La direction éditoriale de XXI lance 6mois, un semestriel consacré au photojournalisme
L’information est désormais principalement engloutie par des robots insatiables, et dont la vitesse de digestion va finir par dépasser celle de la lumière.
La durée de vie d’un article publié sur Internet se raccourcit de façon exponentielle, et à un point où le rythme de production qu’il faudrait soutenir pour maintenir ses audiences n’est tout simplement plus envisageable.
On assiste à l’avènement d’une production rédactionnelle miniaturisée sans échelle logique, du raccourci qui donne le plus souvent dans le tronqué que dans la synthèse.
Quant à l’information en continu, le genre, engagé dans un ronronnement addictif, s’apparente désormais à un antidépresseur de masse qui, entre autres, normalise les pires catastrophes.
C’est dans ce paysage journalistique appauvri que la direction éditoriale du trimestriel XXI lance 6mois, une revue qui consacre le meilleur du photojournalisme planétaire, dans la séquence de la grande tradition du reporter d’images, où Cappa et Cartier-Bresson prêtaient leurs yeux au monde, le révélaient.*
Le premier numéro de 6mois est sorti le 24 mars, sous la forme d’un généreux pavé de 352 pages, sans publicité, et qui vaut largement ses 25 euros, même si pour beaucoup un tel prix de vente peut être rédhibitoire.
Le pari de montrer la puissance du témoignage photojournalistique est réussi. Le relief de ces images-là est incomparable, leur empreinte indélébile. Seules les images nous restent exactement en mémoire, rares sont les textes capables de nous sidérer comme elles. L’image c’est l’icône, et l’icône se transforme en symbole.
Le portfolio de Justin Jin, consacré aux ouvriers du jean à Zhongshan, en Chine, nous montre notamment une mère travaillant la nuit, son enfant dormant derrière elle, au sommet d’une pile de jeans, les deux êtres littéralement engloutis dans les pantalons et les cartons.
Celui de Christopher Furlong sur Eton, le collège de l’élite anglophone, témoigne pour la première fois du quotidien d’un monde clos, aux traditions singulières. Celle qui oblige, le temps d’une journée, au port d’un chapeau chargé de fleurs, pourrait trouver des équivalences avec des rites de tribus primitives.
Les bras et les mains des politiques et des médecins tunisiens au chevet du corps embaumé de Mohamed Bouazizi, le jeune homme qui s’est immolé par le feu en décembre dernier, trahissent la fuite émotionnelle, pour des raisons différentes.
Des images fortes, de vrais regards sur le monde et l’actualité, sujets de réflexion et de prise de conscience, on en trouve des centaines dans cette revue. À regarder sans modération, en prenant le temps, au moins pendant 6 mois.
Pierrick Moritz
*On notera que sur le terrain du photojournalisme, Polka Magazine est déjà présent.
Catégories :Histoire sociale, Livres
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