Parfaite réussite pour la vente de la succession Jean Bourgogne

Les chefs-d’œuvre d’Émile Gallé toujours aussi convoités

Rémi Ader a vendu, le 20 mars dernier à Paris, la totalité de la succession de Jean Bourgogne, petit-fils d’Émile Gallé, pour 1,14 million d’euros* sur la base d’une estimation de 400.000 euros. Certaines créations de cet ensemble exceptionnel rappellent qu’Émile Gallé était aussi un humaniste, un homme qui utilisait son art pour dénoncer les injustices de son temps, comme l’affaire Dreyfus ou les premiers massacres des Arméniens par les Turcs.

Quand Émile Gallé brisait le silence

Émile Gallé est connu pour son exceptionnelle virtuosité  dans la création d’œuvres en verre et de meubles. La dispersion des 68 lots de la succession Jean de Bourgogne, petit-fils de Gallé, au sein d’une vacation d’arts décoratifs du XXe siècle orchestrée le 20 mars à Drouot par Rémi Ader, montrait un aspect moins connu de l’artiste : celui de l’ homme engagé qui dénonçait l’injustice avec courage à travers son art. Ainsi, la pièce phare de cette vente était un vase créé en 1900 et qui, sous le titre de Hommes noirs d’où sortez-vous, proclame l’injustice faite au capitaine Dreyfus.

La même année, Émile Gallé réalisa une commode titrée Le Champ du sang à la mémoire des Arméniens massacrés par  les Turcs entre 1896 et 1898. Ce meuble remarquable était également inclus dans le catalogue de la vacation.

Des batailles d’enchères internationales

Devant une salle comble, certaines des 68 œuvres d’Émile Gallé, meubles et verreries, que comptait la succession de Jean Bourgogne, unique petit-fils d’Emile Gallé, se sont vendues jusqu’à dix fois leur estimation.

Les enchérisseurs étaient français, belges, hollandais, suisses, allemands, américains, canadiens et  japonais. Les collectionneurs de Nancy et les marchands parisiens se sont également montrés très actifs.

Toutes ces pièces étaient restées dans la famille jusqu’à aujourd’hui, certaines provenant du mobilier familial de la maison de La Garenne à Nancy, les autres n’ayant pas été revues depuis l’Exposition Universelle de 1900 où elles furent exposées.

Hommes noirs d’où sortez-vous ?

Le vase dit « parlant », qui illustrait la couverture du catalogue, en verre soufflé avec un décor floral dégagé à l’acide et repris à la roue sur lequel figure l’inscription Hommes noirs d’où sortez vous ?, pièce  réalisée en hommage au capitaine Dreyfus, a été acheté par un marchand pour le compte d’un collectionneur pour 182.162 euros.

Cette œuvre a été présentée à l’Exposition Universelle de 1900 et en 2004 à Paris au Musée d’Orsay au sein de l’exposition Le Testament artistique d’Emile Gallé. Les colorations sombres de ce vase « aux hommes noirs » évoquent les « forces du mal » et les trois figures aux mains crochues gravées sur les flancs, sont les allégories de la calomnie, du jésuitisme et de l’anonymat qui avaient conduit à  la condamnation du capitaine Dreyfus.

Prouesses techniques

La virtuosité du maître-verrier a également été récompensée par les 92.940 euros obtenus pour le vase balustre aubergine en marqueterie de verre et coulure, qui était estimé 15.000/20.000 euros. Non signé et comportant des bulles ouvertes, cette œuvre d’atelier est la parfaite  illustration des prouesses techniques dont était capable Gallé pour réaliser  ses verreries, véritables sculptures sur verre.

Un vase en forme de tulipe au naturel, en verre multicouche violine et blanc opaque a été payé 49.568 euros (estimation 10.000/15.000 euros). Il était accompagné du dessin aquarellé préparatoire, grandeur nature.

Le mobilier de Gallé : Le Champ du sang et une préemption du Musée des Arts décoratifs

Les meubles de Gallé ont également rencontrés un beau succès. Ces créations présentent les caractéristiques de la haute ébénisterie : sculptures à jour, moulures, marqueteries et applications de montants en bronze. C’est un Français contre un acheteur étranger qui a produit la meilleure enchère (64.238 euros) pour acquérir la commode Le Champ du sang réalisée vers 1900 à la mémoire des  Arméniens victimes des massacres Turcs  à la fin du XIXe siècle.

Quant au médallier Les Primevères, au style japonisant et au décor marqueté de motifs floraux, montré à l’Exposition Universelle de Paris de 1900, il a été préempté pour 31.600 euros par le Musée des Arts Décoratifs de Paris.

Le buffet de la salle à manger d’Émile Gallé a été payé 57.000 euros tandis qu’une vitrine, La Berce des prés,  a été  enlevée à plus de 50.000 euros, une table à jeu dite « portefeuille » est partie à 37.176 euros.

Les quatre rideaux en velours d’époque 1900 provenant du salon de La Garenne ont été achetés 4.833 euros.

Des résultats qui constituent une nouvelle base de cotation

Rémi Ader qui a dirigé la vente commente :  Cette vente était très attendue et elle constitue une base de cotation pour Emile Gallé et l’art nouveau, une référence inexistante depuis les ventes des grandes collections datant de la fin des années 80 , une idée confirmée par l’expert Jean-Pierre Camard, interrogé après la vente. Côme Remy, l’expert de cette vente, précise : cette vacation était le rendez-vous mondial des collectionneurs et amateurs de l’École de Nancy. Elle a démontré qu’il y avait toujours un marché très actif pour les icônes de ce mouvement d’art décoratif .

Pierrick Moritz (avec communiqué)

*Total du produit de la vente : 1.204.936 € dont 1.142.789 € pour la succession Jean Bourgogne. 90% des 113 lots a été vendu dont 100% des 68 lots de la succession Jean Bourgogne.



Catégories :Art nouveau, Artisanat d'art, Arts décoratifs, Paris

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