Mammuth de Benoît Delépine et Gustave Kervern
Critique sociale redoutablement efficace, le nouveau film de Benoît Delépine et Gustave Kervern est une magnifique surprise qui, sans rien enlever aux mérites de leurs précédentes créations, marque une évolution sensible de leur cinéma, notamment dans l’art de l’allégorie.
Si le grolandais, language souvent plus signifiant en une figure de quelques secondes que certains pavés de philosophie, est bien présent dans Mammuth, c’est la dimension poétique qui l’emporte.
Une extrême sensibilité renforcée par le rendu “impressionniste” d’une pellicule particulière, qui surprend aux premières images du film avant de devenir la meilleure alliée d’un univers souvent onirique.
Gérard Depardieu est bouleversant dans le rôle d’un ex-biker esquinté par la vie et qui reprend de la moto aux premiers jours de sa retraite pour partir à la recherche de ses bulletins de salaire.
Autant dire des difficultés dignes de la quête du Graal pour l’homme à la tignasse de messie dont le parcours professionnel est marqué par le sceau de la précarité.
Le chemin à refaire est protégé par les femmes de sa vie : Isabelle Adjani, envoûtante figure de la passion tragique, Miss Ming, en génie hyper créatif (les œuvres sont de Lucas Braastad) dont l’innocence déshabille les âmes et, bien sûr, Yolande Moreau, dans toute l’humanité d’une compagne à la fidélité inébranlable.
Mammuth capte l’air du temps avec une longueur d’avance : l’attitude du personnage d’Anna Mouglalis et du jeune videur présage de la déshumanisation des relations entre la jeune génération, livrée à la précarité et au chômage, et les retraités de la “génération dorée”, accrochés à leurs privilèges et qui risquent de se retrouver bien seuls quand la force commencera à leur manquer.
Mammuth de Benoît Delépine et Gustave Kervern. Avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Benoît Poelvoorde, Miss Ming, Anna Mouglalis. Durée : 92 minutes. Sortie en salles le 21 avril 2010.
Pierrick Moritz
Catégories :Cinéma
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