L’exposition parisienne consacrée au photographe américain Lewis Hine, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, témoigne du travail d’un militant engagé pour la justice sociale, et révèle parfois un artiste.
Né en 1874, Lewis Hine va utiliser la photographie pour dénoncer la misère, l’exclusion, la ségrégation, l’indignité du travail des enfants, mais aussi pour montrer le progrès social au fil des années. Il va notamment travailler pour le compte de programmes sociaux américains et la Croix-Rouge, il voyagera en Europe.
Au début de sa carrière, Hine s’intéresse aux immigrés débarquant à Ellis Island, la petite île new-yorkaise où étaient sélectionnés les candidats venus du monde entier.
Ces portraits de femmes en costume traditionnel d’Europe de l’Est, présentant parfois comme un passeport des enfants à la mise soignée et évocateurs d’une force de travail à bas coût, sont célèbres dans le monde entier. Ici, Hine fait preuve d’un vrai regard, un aspect que l’on retrouvera notamment dans ses photographies plus tardives d’Afro-Américains.
Le photographe va immortaliser le travail des enfants, les taudis, les accidentés du travail. Lewis Hine est ici un militant. Son engagement est clair. Le message est surligné par une mise en scène dont le manque de naturel va bien au-delà de la spontanéité empêchée par l’encombrant et statique matériel photographique de l’époque.
Les cadrages sont serrés à l’intérieur des taudis, pour mieux restituer l’impression d’étouffement. Les grossesses sans répits d’une jeune veuve sont traduites par l’alignement par ordre de grandeur de ses 9 enfants. Une petite vendeuse de journaux lit les nouvelles car elle sait tirer profit de son travail pour s’instruire. Dans un groupe, les grands sont placés au fond et les petits devant. Un bébé Afro-Américain est assis sous une fenêtre derrière laquelle on aperçoit une pancarte sur laquelle est écrit un enfant de couleur est hébergé dans cette maison.
Entre les photographies des années 1900 et celles des années 1930, la démonstration de la misère laisse place à une satisfaction progressiste, un travail qui relève parfois plus de la propagande que du documentaire. Le cliché, comme celui d’un ouvrier relié à sa machine par une immense clé à molette, peut devenir carrément esthétisant, avec une mise en scène proche du courant artistique du machinisme en vogue à la même époque.
Plus rarement, la force du sujet terrasse le contrôle du militant. La raison laisse place au sentiment, à l’humanité. Et c’est l’image terrible d’une petite ramasseuse de coton. Elle a peut être 5 ans. Elle trimballe un sac plus gros qu’elle. Elle a l’air complètement éblouie. Nous ne sommes plus dans la représentation de la misère, mais dans la vérité de la misère.
Pierrick Moritz
Exposition Lewis Hine, jusqu’au 18 décembre 2011 à la Fondation Henri Cartier-Bresson, 2, impasse Lebouis, 75014 Paris.
Les tirages présentés sont en très grande majorité des originaux de petits formats. Devant le succès de l’exposition et à certains moments de grande affluence, ils sont difficilement appréciables avec une barrière de têtes et d’épaules devant soi. Il faut donc faire preuve d’un peu de patience et prendre place dans la file qui passe devant les clichés présentés chronologiquement.
Infos : http://www.henricartierbresson.org/
Catégories :Expositions, Histoire sociale, Paris, Photographie
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