Un temple chinois à Darwin

Darwin, port australien ouvert sur la mer de Timor et ville de passage pour de nombreux visiteurs en partance pour le parc national de Kakadu, ne se résume ni à des plages désertées en raison de la possible présence de crocodiles marins – et autres méduses vénéneuses, ni à une chaleur difficilement supportable.

La ville tropicale s’anime vraiment quand le soleil décline, principalement sur les nombreuses terrasses des restaurants du port, où l’on peut aussi simplement prendre un verre. Au bout du Stokes Hill Wharf, le quai historique, on se presse alors devant les boutiques de fish and ships et de spécialités asiatiques à emporter, et à déguster sur des tables mises à la disposition de tout le monde.

Darwin possède une vie culturelle aussi riche que son histoire, notamment avec un excellent Museum and Art Gallery of the Northern Territory (art aborigène, histoire naturelle,..), une programmation constante de concerts live dans les restaurants et les bars, et de très sérieuses galeries d’art aborigène des Territoires du Nord.

Le Darwin Festival, organisé chaque année au mois d’août, célèbre les différentes cultures d’habitants originaires d’une soixantaine de pays, dont de Chine.

Le temple chinois de Darwin et son petit musée racontent de façon particulièrement intéressante l’histoire de la ville, aux accents parfois tragiques, à travers son immigration chinoise depuis les années 1870.

Les cultes pratiqués dans le temple chinois de Darwin font référence au taoïsme, au confucianisme et au bouddhisme. Cette cohabitation dans un même lieu des trois disciplines nourrissant la pensée chinoise n’existe pas en Chine. On la retrouve à l’étranger, quand les expatriés chinois entendent témoigner sur leur terre d’accueil de l’unité et de l’harmonie entre les différentes communautés. L’édifice est géré par la Chung Wah Society, une association créée en 1946 dans le but d’engager des missions culturelles et sociales, dont celle de renforcer les liens entres les habitants d’origine chinoise et ceux venus d’ailleurs.

Le temple chinois de Darwin, avec ses deux statues de lion en pierre gardant l’édifice. Originaires de Chine, elles étaient possiblement présentes sur le site avant la restauration d’après-guerre.

Le monument a été inauguré en 1887, à la suite du déménagement du site originel, obligation faite après des plaintes concernant les bruits occasionnés par les cérémonies et autres festivités, et notamment par la cloche et le tambour. Le site avait été sélectionné par des nécromanciens pour sa situation favorable, en relation avec les éléments ciel, eau et terre, et le bâtiment construit selon une orientation conforme au Feng Shui. On voit aujourd’hui la solide reconstruction inaugurée en 1978 d’un bâtiment initialement en bois et tôle ondulée, notamment endommagé par les cyclones de 1897 et 1937, et plus sérieusement par le bombardement japonais de février 1942. Dans un climat plus que tendu pour les habitants d’origine asiatique, le temple fut victime de saccages et de pillages de la part de soldats australiens en poste à Darwin pendant la seconde Guerre Mondiale. Certaines de ses statues furent jetées à l’extérieur de la ville ; un incendie intentionnel s’arrêta comme par miracle. Un temps fermé à la suite de ces évènements, le temple fut restauré et reprit son activité en 1959, avec un nouveau mobilier sélectionné par un sage à Hong Kong. En 1974, le bâtiment fut complètement détruit par le terrible cyclone Tracy, puis rebâti dans le respect de son exposition initiale.

Le mobilier actuel comprend notamment un autel principal avec huit belles statues en bois des Immortels taoïstes, de grandes plaques en bois laqué rouge et or et sculpté d’inscriptions témoignant de la reconnaissance des donateurs, le tambour et la cloche utilisés pour prévenir les dieux du commencement imminent d’une cérémonie. Une petite chapelle du souvenir jouxte le temple.

La Chung Wah Society gère également un petit musée situé tout près du temple, édifié en hommage aux ancêtres et présentant des documents témoignant de la vie des immigrés chinois à Darwin, dont les premiers sont venus dans les années 1870, principalement pour travailler dans les champs aurifères ou à la construction d’une ligne de chemin de fer. L’exposition permanente montre notamment des arbres généalogiques illustrés de photographies, les premières prises au moment de l’arrivée, souvent en costume traditionnel, la maquette de l’ancien Chinatown de Darwin, et des objets de culture chinoise. Photographies et documents écrits relatent des épisodes riches d’enseignement sur la vie des Chinois de Darwin, et, à travers elle, sur l’histoire sociale et économique de l’Australie.

Pendant la crise économique des années 1890, un sentiment antichinois atteignit son comble à travers les revendications d’Européens militant pour une « Australie blanche ». Nombre d’immigrés chinois, auxquels on reprochait en substance de « voler » le travail des premiers arrivants en étant corvéables à merci et « présents partout », durent se résoudre à rentrer dans leur pays d’origine. Les Chinois venus s’installer en Australie ont très largement contribué à la prospérité du pays.

Plaque en bois sculpté, Chine, vers 1885.  Musée du temple chinois de Darwin

Sculpture en pinite représentant Shou Lao (ou Shou-xing), dieu de la longévité dans le taoïsme, chevauchant un cerf et tenant une pêche, symbole de la vie, dans la main. Selon une légende populaire, cette sculpture aurait été apportée dans le nord de l’Australie par l’explorateur chinois Cheng Ho, au début du XVe siècle. Pour les spécialistes en art chinois, elle daterait plus probablement de la fin du XVIIIe siècle ou du XIXe siècle. Musée du temple chinois de Darwin.

Vue de Darwin depuis le port

OLYMPUS DIGITAL CAMERAUne rue de Darwin, déjà écrasée par la chaleur à dix heures du matin

Museum and Art Gallery of the Northern Territory. Entre les collections d’art aborigène et de sciences naturelles, une salle très documentée raconte le passage du cyclone Tracy sur Darwin en 1974. 71 habitants périrent dans la ville dévastée. Une chambre noire propose de revivre le cyclone par ses bruits  : insoutenable.  

Pierrick Moritz

Source des informations spécialisées pour le temple et le musée chinois de Darwin :  documents par le Révérend Shui Kwong Lo et Mr William Wong.



Catégories :Art asiatique, Art chinois, Australie, Chine, Voyages

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