Talent fou et instabilité, elle n’aurait pas été cela si elle n’avait pas été ceci. Plus à prendre ni à laisser, Amy Winehouse s’est définitivement fait la malle cette année.
Le Mirage de l’Amy. Fausse Amy Winehouse au festival Rock en Seine d’août 2008, en attendant la vraie ….qui n’est jamais venue. Photo P.M.
Quand Amy Winehouse passe au Zénith : un concert d’Amy Winehouse à Paris en 2007
Dans la file d’attente pour le concert d’Amy Winehouse, hier soir devant le Zénith, on pouvait lire une inscription sur une barrière : “Ici, les fans de Jenifer ont attendu dans le calme”. Le message avait quelque chose de gentiment prémonitoire : il faudra patienter une heure après la première partie du spectacle avant qu’Amy Winehouse ne fasse son entrée.
Pendant ce temps, les plaisanteries du genre “Si ça se trouve, elle est à l’Olympia !” (salle où était initialement prévu le spectacle) circulent. En fait, tout le monde se demande si le concert va bien avoir lieu. L’inquiétude finit par plomber l’atmosphère.
L’évènement tant espéré finit par arriver. Ambiance feutré d’un club de jazz américain des années 1950 ; décor cramoisi qui semble un peu rétréci car initialement prévu pour une scène plus petite. Amy Winehouse diffèrera encore son entrée de quelques minutes, les roulements de tambour annonçant son arrivée se prolongent jusqu’à la gêne. Bienvenue chez Amy Winehouse et sa formation, Amy Winehouse est indissociable des musiciens et choristes de premier plan avec lesquels elle fait corps. Et ils soutiennent vaille que vaille la star imprévisible. Celle qui a parfois l’air de se demander ce qu’elle fait là ira souvent échanger à voix basse avec l’un d’entre eux, comme pour se renseigner sur la suite à donner aux évènements.
Amy Winehouse a du mal à faire deux choses à la fois, la première étant de chanter. La concentration faiblit quand elle tapote son impressionnant chignon ou tire sur le bas de sa robe courte. Souvent, Amy hésite entre ses deux verres et son micro. Et puis Amy se rend près des coulisses pour fumer sa clope. Amy se met à se déhancher puis s’arrête subitement. Amy s’équipe et se débarrasse vingt fois de sa guitare – opération très délicate quand il s’agit de passer la bandouilière de l’instrument par-dessus l’énorme chignon – dont elle n’est visiblement pas d’humeur à jouer. Amy arrange son petit foulard vert autour de son cou. Amy est capable de s’arrêter net en plein milieu d’une chanson. Amy nous fait Rehab en version accélérée. Et surtout Amy à l’air de se moquer complètement des réactions possibles du public devant tant d’instabilité. Les choses sont ainsi et pas autrement, la désinvolture assumée fait partie du spectacle.
Après une première partie toute en hésitations, la chanteuse finit par nous livrer le meilleur de sa voix, d’une puissance et d’une maturité émotionnelle exceptionnelles sur certaines chansons. Pour ces talentueuses intermittences, on est bien content d’être venu. Parce qu’Amy Winehouse n’est pas une étoile filante, parce qu’elle est unique, il va probablement falloir se faire à ses concerts peut-être inégaux mais qui valent le déplacement pour des titres parfaitement interprétés, quand elle passe au firmament de son talent.
Par son côté écorché vif, une fragilité palpable, la chanteuse de 24 ans peut faire penser à Marilyn Monroe, une artiste dont Billy Wilder disait, en substance, qu’il préférait une actrice souvent ingérablemais qui crevait l’écran à une actrice très professionnelle mais qui, finalement, ressemblait à toutes les autres.
Tout le monde est prévenu, Amy Winehouse est à prendre ou à laisser. Sa prestation au Zénith de Paris a quasiment duré une heure et demie.
Pierrick Moritz (article publié sur ArtWithoutSkin le 30 octobre 2007)
Catégories :Musique
Votre commentaire