Par Cyril Altmeyer
C’est un club des Cinq un peu particulier : ces personnages-là ne se sont jamais croisés pour la bonne et simple raison qu’ils occupent chacun un second rôle dans une série distincte.
Mais les seconds rôles, dans les séries américaines, sont représentatifs du souci du détail qui obsède leurs créateurs, que ce soit dans la décoration en arrière-plan ou dans les sous-intrigues apparemment sans importance mais venant renforcer l’histoire principale le moment venu.
Ces seconds rôles n’ont parfois qu’une ligne de dialogue dans un épisode ou disparaissent carrément pendant quelques semaines pour mieux revenir. Et on les remarque tout de suite car ils ont su se rendre immédiatement identifiables. Consécration ultime : ils ont parfois droit à un épisode qui tourne autour d’eux.
C’est le moment de faire les présentations. Vous ne les connaissez pas encore, mais eux savent déjà comment faire pour monopoliser votre affection.
Leon (Nyasha Hatendi), Casual
C’est simple, Leon, c’est une crème. Toujours d’humeur égale, une voix suave, tout en empathie, il est toujours prêt à rendre à service. Et ça tombe bien car son ami Alex, occupé à plein temps par son égocentrisme, a besoin de lui à toute heure. Alors Leon endosse avec un flegme parfait le rôle de réceptacle des confidences d’Alex sur des problématiques toujours aussi embrouillées que futiles. Et tant qu’à faire, il étend aussi sa contribution à Valerie, la sœur d’Alex, la première personne de la famille qu’il avait rencontrée au tout début de la série – lors d’une éphémère tentative. Mais ça, c’est de l’histoire ancienne. Car Leon a une autre équation à résoudre : trouvera-t-il enfin sa propre vie ? Casual (Casual Productions, distribuée par Hulu). Trois saisons déjà diffusées par Canal+.
Shun (Will Sharpe), Flowers
Ah, Shun, son enthousiasme ne supporte aucune barrière : ni les incompréhensions culturelles que peuvent provoquer l’immersion d’un Japonais en Grande-Bretagne, ni l’indifférence d’une rare constance à son égard de la famille Flowers, il est vrai déjà accaparée par l’entretien de ses propres bizarreries et incessantes querelles.
Mais rien ne le décourage, Shun. Il faut dire que sa détermination est aussi vaste que son niveau en anglais est limité. Il fera tout pour que son suicidaire d’employeur retrouve le goût de vivre, sans jamais se douter qu’il passe (à tort) pour l’amant nippon de Maurice Flowers, une méprise due à leurs fréquentes entrevues dans la cabane du jardin et au couple libre que Maurice forme avec Deborah.
Et pourtant, quand on voit ses dessins, on se dit que Shun devrait plutôt se trouver au Japon, à goûter son succès comme maître du manga au lieu de tourner en rond dans une maison anglaise isolée. Flowers (Kudos Film and Television pour Channel 4). Diffusée sur Canal+, saison 2 commandée.
Jared (Zach Woods), Silicon Valley
Il aura beau faire, Jared, il finit toujours par se retrouver le spectateur impuissant des désastres provoqués par son patron, Richard, certes brillant ingénieur informatique mais aux décisions tellement erratiques qu’elles conduisent invariablement sa start-up dans le mur.
Et toute la souplesse de Jared ne suffit pas toujours pour redresser les comptes, alerter Richard des périls à venir et arrondir les angles avec ses remuants collaborateurs
Qu’est-ce qui fait tenir Jared alors ? Son abnégation devant Richard est telle que s’il n’était pas asexué, on se dit que Jared finirait par lui déclarer sa flamme.
Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, le destin de Jared est probablement ailleurs. Il lui arrive parfois même de prendre une voix ferme et une voie divergente par rapport à Richard. C’est dire. Silicon Valley (3 Arts Entertainment, Altschuler Krinsky Works, Judgemental Films Inc., distribuée par HBO). Diffusée sur OCS, saison 5 prévue en 2018.
Nick (Max Minghella), La Servante écarlate (The Handmaid’s Tale)
C’est le sérieux de la bande, Nick. Il faut dire que la série dans laquelle il évolue ne prête pas vraiment à rire : c’est l’histoire, publiée par la romancière Margaret Atwood en 1985, de Gilead, une dictature post-USA où les servantes servent à repeupler une nouvelle Amérique blanche via des viols ritualisés en « cérémonies ».
Nick est clairement ambivalent : il passe une bonne partie des premiers épisodes à dévisager Offred, la servante vedette, magnifiée par Elizabeth Moss, qui jouait dans Mad Men le rôle de Peggy, embauchée comme secrétaire dans une agence de publicité pour finir par devenir créative à part entière, sort de miroir féminin du ténébreux Don Draper.
Mais revenons à Nick : d’abord à la limite de la figuration, son personnage finit par sortir de l’ombre et de découvrir une personnalité à la fois plus puissante et plus transgressive qu’il n’y paraît au premier abord.
Offred l’a poussé à se poser la question qui tue à Gilead : savoir s’il sera collaborateur ou résistant dans cette Amérique où toute ressemblance avec l’époque actuelle est troublante. La Servante écarlate (The Handmaid’s Tale), (MGM Television, distribuée par Hulu). Saison 1 diffusée sur OCS, largement victorieuse des Emmy Awards 2017 ; saison 2 prévue en 2018.
Shoshanna (Zosia Mamet), Girls
Last but not least, loin de là : Shoshanna est un condensé de ses collègues masculins, avec un côté caméléon en plus. Elle est déterminée, Shoshanna, mais l’objet de sa détermination semble varier constamment, jusqu’à la conduire jusqu’au Japon où elle se fond parfaitement dans une culture pour elle étrange où elle se retrouve étrangement.
Ceci dit, et elle le sait, sa place est vraiment dans ce New York ouvert à toutes les excentricités et les expérimentations. Et ça lui va bien, justement parce qu’elle tente tout, sauf de voler la vedette à Hannah, l’héroïne, interprétée par Lena Dunham, qui est aussi la créatrice de la série qui l’a imposée comme l’héritière de Woody Allen. Girls (Apatow Productions, distribuée par HBO), 6 saisons diffusées sur OCS et Canal+. Série terminée.
Catégories :Etats-Unis, Séries TV
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