La série The Crown est fascinante : elle parvient à décrire la mue de la Couronne britannique depuis les années 1950 et avec elle tout un pan d’Histoire, non seulement celle de la Grande-Bretagne, mais aussi celle du monde occidental. Avec ses épisodes thématiques magnifiquement réalisés et particulièrement bien documentés, elle nous transporte (littéralement) à travers les années.
Fascinante aussi, la tâche herculéenne assumée par les auteurs de la série, Peter Morgan et Stephen Daldry : suivre la Couronne à partir du décès du roi George VI en 1952 et l’accession au trône d’Elizabeth II à l’âge de 25 ans, avec l’ombre portée de l’abdication de son frère Edouard VIII en 1936, pour arriver jusqu’au début du XXIe siècle.
Impossible donc de suivre une aussi longue période avec les mêmes acteurs, à moins de les grimer atrocement. La production a donc décidé de renouveler le casting toutes les deux saisons.
L’ultime épisode de la saison 2 nous a donc laissés en 1963 avec trois acteurs, alors peu connus, jouant les trois personnages-clés de la Couronne : Claire Foy dans le rôle de la Reine, Matt Smith dans celui de son époux, le prince Philip, et Vanessa Kirby pour interpréter sa soeur, la princesse Margaret.
Très opportunément baptisé « Olding », l’épisode 1 de la saison 3 se déroule un an à peine le précédent, en 1964. Mais avec l’entrée en scène d’Olivia Colman (la Reine), Tobias Menzies (Phillip) et Helena Bonham Carter (Margaret), Sa Majesté a pris entretemps dix ans, son époux huit et sa soeur 21.
Et cette fois, ce sont des acteurs aux visages plus familiers qui représentent la monarchie britannique : Olivia Colman a tenu l’un des rôles principaux de la série policière britannique à succès Broadchurch, Tobias Menzies a été un inoubliable Brutus dans la série Rome de HBO et Helena Bonham Carter a tourné avec les plus grands cinéastes, de James Ivory à Tim Burton.
Certes, ces trois acteurs ressemblent probablement plus à l’image qu’on se fait du trio de Buckingham Palace que leurs prédécesseurs. Mais ce qu’ils dégagent est aussi radicalement différent : d’opiniâtre, la Reine devient soudain rigide, tandis que le goût pour l’aventure de son mari s’est évaporé pour le rendre brusquement assagi, voire carrément coincé, et que sa soeur Margaret a brutalement abandonné toute envie d’émancipation du carcan imposé par la monarchie et s’est figée dans la rancoeur des frustrations accumulées.
C’est comme si les auteurs de la série avaient brutalement déplacé leur caméra et décidé de présenter les principaux acteurs de la monarchie britannique sous un jour radicalement différent – une nouvelle série, en somme.
Les deux premières saisons décrivent très bien le poids que représente cette Couronne sur la Reine et son entourage, à tel point qu’ils s’en retrouvent prisonniers. Dans les deux saisons suivantes, non seulement ils ont désormais accepté leur sort, mais ils font preuve d’une telle morgue qu’ils ressemblent plus à la Famille Adams qu’à la famille royale.
Dans la saison 4, les auteurs vont même un cran plus loin, prenant résolument le parti de la princesse Diana, dans un rôle de victime expiatoire, qui peut tout à fait correspondre à l’image qu’on a pu avoir de cette période de la monarchie britannique à travers son traitement médiatique.
Buckingham Palace a réclamé, selon la presse britannique, que Netflix spécifie avant chaque épisode qu’il s’agissait là d’une oeuvre de fiction, ce que la plate-forme américaine a refusé. Mais si ces protestations pouvaient prêter à sourire, force est de reconnaître que le parti-pris des auteurs sur le sort réservé à Diana se base sur des situations privées par essence invérifiables.
Quant au choix de l’excellente actrice Gillian Anderson, au talent reconnu depuis la série X-Files dans les années 1990, il s’avère au final une fausse bonne idée : son interprétation de la Première ministre Margaret Thatcher, est tellement archi-travaillée qu’elle en devient caricaturale.
La saison 5, l’avant-dernière de la série, attendue pour 2022, opèrera un ultime renouvellement de casting. Imelda Staunton succèdera à Olivia Colman dans le rôle de la Reine, Jonathan Pryce reprendra à Tobias Menzies celui du prince Philip et Lesley Manville deviendra la princesse Margaret après Helena Bonham Carter.
La saison 4 nous a amenés jusqu’à l’orée des années 1990, avec le départ forcé de Margaret Thatcher, et l’intrigue de la saison 5 devrait démarrer dans la foulée pour couvrir cette tumultueuse décennie pour la familiale royale, marquée par la mort accidentelle de la princesse Diana en 1997 à Paris.
Avec ces nouveaux interprètes, les trois personnages phares de la monarchie auront pris par magie 19 ans pour la Reine, 27 ans pour le prince Philip et dix ans pour la princesse Margaret…
Cyril Altmeyer
The Crown, 4 saisons de 10 épisodes, sur Netflix.
Catégories :Histoire, Londres, Séries TV, Télévision
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