Livre – « Valentine Schlegel : je dors, je travaille », un ouvrage de référence

Valentine Schlegel : Je dors, je travaille raconte Valentine Schlegel (1925-2021), sculptrice, céramiste et fabricante d’objets du quotidien. Ce catalogue-parcours très complet réunit 244 photographies en noir et blanc et en couleurs renseignées par l’artiste visuelle et chercheuse Hélène Bertin (qui a également réalisé un grand nombre de photographies contenues dans l’ouvrage). 

Tout part de soi

Je dors, je travaille, qui en est a sa quatrième édition depuis 2017, s’est révélé comme une référence incontournable pour connaître et reconnaître l’œuvre de Valentine Schlegel, créatrice d’un quotidien facilité, rassurant et autonome. Ce travail d’enquête capte une manière de vivre inspirante où l’on compte sur soi et où tout part de soi, une philosophie plus que jamais dans l’air du temps. Le travail de Valentine Schlegel, ce sont les gestes intuitifs ; les éléments et les dynamiques de la nature : feu, terre, eau, bois,… ; le vide pour point de départ ; et « faire de ses propres mains ». 

Artisane

L’artisane Valentine Schlegel est connue pour de sculpturaux vases en céramique, aussi graine, bulbe, tronc, branches, arbre, fleur, parfois oiseau, inventés dans les années 1950, et pour ses habillages architecturaux et aménagements mobiliers en plâtre armé réalisés autour de cheminées. Ces maçonneries sculptées belles et pratiques, rappelant de modestes intérieurs méditerranéens et sublimés par d’élégants reliefs, réalisées par elle et ses assistants entre 1959 et 2002, ont fait école à un niveau international en matière d’architecture d’intérieur. Un grand nombre de ces créations emblématiques sont reproduites et décrites dans l’ouvrage.

Cette femme pourrait dormir dans l’eau

A Paris, où elle arrive en 1945, Valentine Schlegel aura trois ateliers successifs, rue Vavin, rue Daguerre, puis rue Bézout où elle partagera l’immeuble avec Yvonne Brunhammer (1927-2021), historienne de l’art et figure marquante du Musée des Arts Décoratifs, qui fut sa compagne. Elle installa un autre atelier à Sète, sa ville natale, en 1960, dans une modeste propriété familiale. C’est sur la porte de ce dernier qu’était suspendue la pancarte réversible sur laquelle on lisait, d’un côté, « Je dors » et, de l’autre, « Je travaille ». Les deux mentions ont été reprises pour le titre de ce catalogue initialement lié à l’exposition consacrée à l’artiste Cette femme pourrait dormir dans l’eau conçue par Hélène Bertin, et programmée en 2017 au Centre d’Art Contemporain de Brétigny-sur-Orge. Un document présentant l’évènement désigne la source de l’intitulé : « La voyant tranquillement faire la sieste dans n’importe quel espace, l’un de ses amis pêcheurs choisit cette expression sétoise pour nommer son attitude sereine.» 

Débrouillarde

La capacité d’adaptation est une autre caractéristique dans l’œuvre de Valentine Schlegel. Elle entre à l’âge de douze ans aux Éclaireuses de France, où elle devient cheftaine en 1942 ; ce fut une manière de vivre où elle s’est reconnue (ou qui l’a reconnue), avant de rejoindre les Beaux-Arts de Montpellier. Pour les scouts, le couteau est l’outil indispensable pour se débrouiller dans la nature. Il en existe une multitude de sortes dans toutes les cultures du monde. Valentine, adulte, les collectionnera et les affichera en nuée à un mur de son atelier. Elle participa au festival d’Avignon, dès sa création en 1947, comme accessoiriste et assistante du peintre Léon Gishia et pour des costumes peints, dans le contexte de manque de matériaux de l’après-guerre où l’on compose beaucoup avec la contrainte. On la retrouve les années suivantes à différents postes pour des créations théâtrales, dans l’entourage de son beau-frère Jean Vilar, époux de sa sœur Andrée, également artisane d’art. Valentine et Andrée travailleront ensemble à la création de céramiques peintes, dans la deuxième moitié des années 1950.

Les voiles du bateau

Adolescente, à Sète, « … elle observe les voiles des nombreux bateaux qui acheminent les agrumes d’Espagne et dont le modelé se retrouve dans les formes de ses cheminées. » raconte le catalogue. Oui, dans ses maçonneries incroyablement apaisantes, les angles arrondis et les arêtes douces rappellent les plis et les gonflements faits par le vent dans les voiles d’un petit bateau méditerranéen, comme celui que Valentine Schlegel possédait. Elle travailla ainsi l’intérieur de son atelier de Sète et celui de la rue Bezout, investi en 1957.  

L’objet du quotidien

Valentine Schlegel a conçu toute sa vie des objets du quotidien. Il s’agit, entre autres, d’assiettes ou de saladiers en poterie, de couverts sculptés dans l’acajou, de cuillères dont le cuilleron est un coquillage ramassé sur la plage et solidement emmanché dans une tige de roseau. Comme ses vases à ouverture simple ou multiple envisagés avec des fleurs ou des branches pendant leur création, ces objets sont réellement pensés pour leur usage. Il y a aussi, et entre autres, des sifflets en grès en forme d’animaux, des cendriers, des bavoirs et des draps brodés pour les amis ; elle travaille le cuir pour inventer des chaussures, des sandales et des sacs. Dans les années 1950, des moments d’un voyage au Portugal l’inspirent pour la création de santons.

Un yinyang simplicité/sophistication

À Sète, Valentine Schlegel proposait régulièrement à ses invités de participer à des créations à partir de matériaux naturels, comme ceux glanés sur la plage. « Glaneuse », le terme nous rappelle le titre d’un film de son amie d’enfance sétoise et de toute une vie Agnès Varda, dont l’œuvre relève également d’un yinyang simplicité/sophistication (ce qui implique une grande réflexion ; un important travail de préparation). 

La générosité

La transmission, le don et le partage sont des marqueurs de la vie de Valentine Schlegel, comme en témoigne son activité d’enseignante en « modelage », commencée pour des raisons économiques. Elle fonda en 1958 ce cours spécifique pour les « Ateliers de moins de Quinze ans » du Musée des Arts décoratifs de Paris, activité qu’elle poursuivra jusqu’en 1987.

Valentine Schlegel : Je dors, Je travaille par Hélène Bertin, édition 2021 (augmentée), bilingue (français/anglais), édité par Hélène Bertin, Charles Mazé & Coline Sunier. Notices biographiques : Hélène Bertin. Publié avec <o> future <o> et le CAC Brétigny, édition bilingue français/anglais, brochée. 224 pages, 244 photographies reproduites, 18,5 x 27,3 cm. 35 euros. Diffusion : Les presses du réel. 



Catégories :Architecture, Artisanat d'art, Arts décoratifs, Design, Livres

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