495 millions de dollars pour une vente d’art contemporain chez Christie’s : du jamais vu

Les 495 millions de dollars générés par la vente d’art contemporain proposée hier soir à New York par Christie’s représentent le plus important résultat jamais réalisé pour une vente dans la spécialité.

Cette performance ne réjouira pas la majorité des marchands d’art, dans l’impossibilité d’acheter au niveau des prix actuels et voyant les œuvres les plus exceptionnelles fuir inexorablement vers des opérateurs de salles des ventes aux moyens financiers colossaux, capables de protéger les vendeurs du risque des invendus à coups de garanties de rachat et de tiers de confiance.

Qui peut engager 56,12 millions de dollars sur une toile de Roy Lichtenstein, comme ce fut le cas hier soir pour Woman with Flowered Hat, un portrait déconstruit « à la Picasso » daté de 1963 et probablement très provocant ?  C’est plus cher qu’un très bon Picasso des années 1930.

Ici, la réflexion sur l’art vaut plus cher que l’art. Si l’art adapté au marché n’est pas une grande nouveauté, le marché  de l’art contemporain sait exploiter à merveille le cas où la « notice de lecture » est plus importante que l’œuvre en question et, en tous cas, indissociable. Généralement, un prix délirant obtenu en salle des ventes pour une telle création ne manque pas d’auréoler l’heureuse élue d’un prestige et de qualités insoupçonnés jusque-là ; le plus grand paradoxe étant qu’un clin d’œil créatif censé questionner sur les lieux communs relatifs à la perception de l’art peut se retrouver paré de termes comme « chef-d’œuvre ».

Ce résultat constitue un record pour une œuvre de Roy Lichtenstein vendue aux enchères, après les 44,8  et 43,2 millions de dollars obtenus pour, respectivement, Sleeping Girl (1964) et I Can See the Whole Room!…and There’s Nobody in it ! (1961), des reprises de vignettes de comics, une idée originale transformée en procédé chez Lichtenstein.

Roy Lichtenstein, disparu en 1997, ne s’est jamais présenté comme un « artiste ». C’est le marketing du marché de l’art qui a fait le travail. De ce côté-là, on peut parler d’une grande réussite.

Pour un minimum de logique, et toujours au chapitre des prix records enregistrés pour l’œuvre d’un artiste vendue aux enchères, Number 19, une drip painting  peinte par Jackson Pollock en 1948, utilisant le principe des dégoulinures qu’il a inventé l’année précédente, réalise le prix  le plus important de la vacation : 58,36 millions de dollars Estimée 25/35 millions, cette œuvre avait été payée 2,42 millions par son avant-dernier propriétaire, en 1993, chez le même opérateur.

Le troisième lot le plus important du catalogue, un Dustheads peint sur toile par Jean-Michel Basquiat en 1982, a également battu un record pour une œuvre de l’artiste vendue aux enchères, avec une facture de 48,8 millions de dollars. Ce grand format (182,8 x 213,3 cm) était estimé 25/35 millions de dollars.

Au rayon des résultats dépassant allègrement les estimations, on relève encore 27 millions de dollars engagés sur une œuvre de Mark Rothko (estimée 15/20 millions), 25,8 millions pour une toile de Philip Guston (est. 8/12 millions ; un record mondial pour une œuvre de l’artiste vendue aux enchères), 23,64 millions pour une autre œuvre de Roy Lichtenstein (est. 12/16 millions) ou 14 millions pour un Achrome de Piero Manzoni (est. 6/9 millions).

Au milieu de ces prix stratosphériques, les trois invendus les plus importants passent presque inaperçus. Il s’agit d’une Study for Portrait peinte par Francis Bacon en 1981, estimée 18/25 millions de dollars, d’une œuvre de Clyfford Still, datée de 1953, dont 15 à 20 millions étaient attendus, et d’un Accent aigu de Franz Kline, à 9/12 millions.

Pierrick Moritz



Catégories :Art contemporain, Marché de l'art, New York City

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2 réponses

Rétroliens

  1. celui-ci n'est pas un saint |
  2. Quand l’art impressionniste, moderne et contemporain rapporte 1,45 milliard de dollars « Art Without Skin, l'art sans la peau

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