« Hiver » de Jon Fosse au Théâtre de l’Atelier

Nathalie Baye, au sommet de l’art dramatique

Nathalie Baye livre une prestation exceptionnelle dans Hiver, la pièce du Norvégien Jon Fosse dont elle tient le rôle principal au Théâtre de l’Atelier. La création est sophistiquée et subtile, le pari d’autant plus risqué. Le regard de l’auteur est singulier, généreux mais sans concession.

Ici, l’identité est désincarnée jusqu’à l’épure, spectrale. L’individu est en danger d’effacement. Mais il ne veut pas disparaître. Alors il répète, martèle, il veut s’entendre dire et redire encore à travers la réponse à un compliment – Je suis jolie ? –  ou une à interpellation – , toi ! – qu’il est toujours visible, toujours vivant. Jon Fosse parle de l’identité en intaille ; par le manque, la suppression, l’absence, le vide. 

L’identité est imprécise, probable, elle est  « peut-être ».  Elle est en mouvements. Elle fuit, elle revient, elle se désagrège, il n’en reste presque rien, elle est revenue.  Chacun de ses fragments est lui-même complexe et Nathalie Baye incarne à merveille les nuances d’un même trait. Rien n’est n’est non plus sûr quant à  l’identité sociale de son personnage : est-elle vraiment une prostituée ?  Est-elle une prostituée symbolique ?  La prostituée d’un système  ?  La femme désirable est-elle habitée par le sentiment, amené par la culpabilisation des autres, d’être une prostituée ?  

L’identité peut aussi être révélée par strates : l’élégance dans un long manteau impeccablement coupé, de la haute-couture qui recouvre en fait une tenue de prostituée d’une vulgarité caricaturale.

L’actrice sait passer sans contradiction du sommet de la grossiereté verbale à celui de la subtilité intellectuelle. Je suis TRÉS mariée, dit-elle,  pour signifier son indisponibilité pour une liaison amoureuse, et en faisant peut-être allusion à son possible métier de prostituée. Elle navigue avec la même facilité entre beauté et délitation physiques. 

Nathalie Baye est en immersion dans son rôle.  Elle le vit totalement. Elle est dans un état de concentration exceptionnel.  Tout est là. Elle  donne tout. Elle est sublime.

Pierrick Moritz   

Hiver de Jon Fosse. Traduction: Terje Sinding. Texte publié aux éditions de L’Arche. Mise en scène: Jérémie Lippmann. Avec Nathalie Baye et Pascal Bongard. Jusqu’au 30 décembre 2009 au Théâtre de l’Atelier à Paris. Site  :  http://www.theatre-atelier.com/



Catégories :Paris, Spectacles

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