Fauteuil “à la sirène” d’Eileen Gray invendu à New York

Évènement majeur du marché de l’art décoratif de cette fin d’année, hier soir chez Christie’s New York, la dispersion de prestigieuses pièces Art déco issues de la collection du marchand Anthony DeLorenzo a enregistré des résultats décevants.

Le lot le plus important du catalogue, le premier fauteuil dit “à la sirène” d’Eileen Gray historiquement connu, créé entre 1913 et 1919 – les dates varient selon les sources –  n’a pas trouvé preneur avec une estimation de 2/3 millions de dollars.  Ce siège a longtemps été considérée comme une pièce unique depuis sa première présentation sur le marché de l’art en 1978.

Initialement propriété de Damia, dont Eileen Gray fut un temps la compagne, ce fauteuil au dossier sculpté à jour d’une sirène enlaçant un hippocampe, réalisé entre 1913 et 1919, avec un travail de laque à dominante noire par Sugawara, avait été repéré et acheté en 1978 à Versailles dans une vente d’art décoratif  où se trouvaient des objets provenant de la succession de la chanteuse.

Le siège fut considéré comme un prototype, une création unique, jusqu’à ce qu’un ensemble de six du même modèle, mais laqué de tons clairs, chacun avec des variantes qui en font une pièce unique, soit à peu près exhumé d’une grange française vingt ans plus tard.

Au terme d’un parcours rocambolesque, car vendue pour rien à un brocanteur suite à l’expertise défaillante d’un commissaire-priseur, rachetée pour une somme tout aussi ridicule par un amateur qui, ayant été informé de leur importance, tenta de les exporter illégalement, et finalement récupérée par la propriétaire initiale par voie de justice,  la suite de fauteuils sera dispersée à l’unité et pour quelque 9 millions d’euros à Drouot en 2005 par le cabinet Camard. L’un d’entre eux, donné à l’État français, est allé au musée des Arts décoratifs de Paris.

Le catalogue de la vente new-yorkaise d’hier soir proposait également un exemplaire du célèbre paravent aux lattes de bois articulées, et agencées comme des briques en rangées décalées, dans une version laquée blanc quand la noire est plus connue,  une création d’Eileen Gray présentée au Salon des Artistes Décorateurs en 1923. Estimé  700.000/1 million de dollars, ce paravent a été payé 842.500 dollars.

L’enchère la plus élevée, 2,09 millions de dollars, est allée à un fauteuil en bronze patiné par Armand-Albert Rateau, vers 1919-1920, l’assise et le dossier constituée de poissons enchaînés, le  principe repris avec des coquilles Saint-Jacques pour les accoudoirs. Il s’agit de l’un des huit exemplaires répertoriés, celui-ci faisant initialement partie d’un ensemble de six commandé au créateur par les collectionneurs Florence et George Blumenthal.

Le fauteuil  était estimé 1,5/2 millions de dollars sans les frais, quand il avait été payé 2 millions avec les frais en 2007 chez Christie’s New York. C’est-à-dire que le marchand a perdu de l’argent sur la vente (il faut principalement déduire les commissions à l’acheteur et au vendeur du prix final).   

Deux lampadaires de Rateau, du même modèle et vers 1922, en bronze et albâtre, estimés 700.000/1 million chacun, ont été payés 842.500 dollars et 1,14 million.

812.500 dollars sont allés à une longue table de lecture de 1951 par Charlotte Perriand et Jean Prouvé. Le meuble, provenant de la Maison de l’Étudiant à Paris, était estimé 700.000/900.000 dollars.

Sur les 48 lots que présentait le catalogue, 13 n’ont pas trouvé preneur.

Outre le fauteuil de Gray, un imposant vase-urne en cuivre par Frank Lloyd Wright vers 1903 (estimé 800.000/1,2 million de dollars), un bureau à caissons entièrement gainé de cuir et réalisé par Jean-Michel Frank pour Hermès vers 1930 (300.000/500.000 dollars, acheté par le marchand 276.300 dollars en 2003 chez Christie’s New York) et une table d’appoint d’Armand-Albert Rateau en bronze doré vers 1925-1926 (200.000/300.000 dollars) figurent parmi les invendus les plus importants.

La vacation a rapporté 7,91 millions de dollars avec les frais quand les estimations basses pré-vente tablaient sur  un chiffre d’affaires de quelque 9,5 millions sans les frais.

La dispersion de pièces issues de la collection du marchand new-yorkais se poursuivra cet après-midi, avec 80 lots dans la même séquence mais beaucoup moins important en valeur.   

Pierrick Moritz

Les estimations sont données sans les frais à la charge de l’acheteur. Sur la place de New York, ils sont de 25 % en dessous de 50.000 dollars, de 20% au-dessus de 50.001 dollars et jusqu’à 1 million, et de 12 % au-delà.



Catégories :Artisanat d'art, Arts décoratifs, Marché de l'art, New York City

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