De la pureté en eaux troubles
Un des tours de force de ce film miraculeux est de donner une lecture accessible du pressentiment et aussi de l’état de grâce
Un Prophète, prouesse créative de Jacques Audiard où cohabitent dimensions métaphysique et psychologique et action, raconte comment un jeune homme déshérité par la vie, mais doué d’un redoutable instinct de préservation, finit par devenir le maître du jeu en milieu hostile.
Condamné pour voie de fait, le héros solitaire de Jacques Audiard, apparemment utilisé et manipulé par plus forts et plus nombreux que lui en prison, aspire tout, pompe tout, dévore tout, ingère tout, imite tout de ceux qui pensent le dominer.
Une grande pureté morale lui amène une lucidité à la limite de la clairvoyance, le conduit dans des sortes d’états de grâce qui lui permettent de passer à travers des expériences difficiles et de réussir des missions éminemment dangereuses. L’alchimiste dénué de machiavélisme transforme les obstacles en opportunités, il les transcende.
Jacques Audiard est un vrai créateur, un artiste, un auteur. Son regard est unique, il invente quelque chose. Il a une vision, il va plus loin que les autres. Ce qu’il montre du milieu carcéral pourrait être qualifié de naturel tant cela ne transpire pas la somme de la recherche documentaire ou l’interprétation fantasmée.
Aucune victimisation également dans un monde mortel où les mieux préparés à la survie ne sont pas forcément ceux auxquels on pourrait penser.
L’interprétation (Tahar Rahim, Niels Arestrup, Adel Bencherif, en tête d’affiche), la mise en scène et la photographie du film sont superbes. La relation entre le caïd corse et le héros est d’une étonnante ambiguïté sur un terrain où l’on ne sait pas si le mafieux a compris qu’il tenait entre les mains une proie ou alors une âme singulière qui passera à travers les pires difficultés imposées. Une relation dont la nature est incertitude et mouvements ; une vérité possible vue très justement comme une somme d’éléments hétérogènes, perpétuellement soumise à oscillations.
Un autre des tours de force de ce film miraculeux est de restituer une magnifique et accessible lecture du pressentiment et aussi de l’état de grâce comme avec, entre autres, l’instant magique et furtif du prisonnier en derviche tourneur.
Un Prophète de Jacques Audiard, sorti le 26 août 2009.
Pierrick Moritz
Catégories :Cinéma
Un prophète, on n’en ressort pas indemne, ni soulagé, ni apaisé. Les images sont juste là, posées, brutales et sans artifices, sublimées par un jeu d’ombres et de lumières exquis. La crudité réaliste des mots accentue la violence du film avec une justesse incroyable ; incroyable car on peut rapidement glisser sur les pentes de l’ultra-réalisme à la mode.
Je vous invite également à lire notre critique sur le site Pont du 7e art : http://pontdu7eart.wordpress.com/2010/02/10/un-prophete-lumiere-a-lombre/
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