Enchères : présence asiatique et russe à Londres pour l’attrait de la peinture ancienne

La vente aux enchères de peinture ancienne – plus ou moins antérieure au XIXe siècle – et britannique –  jusqu’au XIXe siècle – proposée par Sotheby’s le 9 juillet en soirée à Londres a produit 68,3 millions de livres (85,9 millions d’euros), soit une recette record pour une vente de l’opérateur sur ce thème. 81 % des lots ont trouvé preneur.

L’œuvre la plus en vue du catalogue, une huile sur toile montrant deux tigres en train de jouer, peinte par George Stubb (1724-1806), a été facturée 7,6 millions de livres à un acheteur asiatique. La composition était estimée 4/6 millions.

Le deuxième prix le plus important, 6,8 millions de livres, concerne également un achat asiatique. Il s’agit d’un Jardin d’Eden avec la Chute de l’Homme, une petite huile sur cuivre peinte par Jan Brueghel l’Ancien (1568-1625), dont 2/3 millions étaient attendus. C’est un record pour une œuvre de l’artiste vendue aux enchères. Celle-ci provenait de la collection des ducs de Northumberland, dans laquelle elle est entrée en 1853.

Patti Wong, présidente de Sotheby’s en Asie, a acquis pour quelque 3,9 millions de livres un Paysage d’Hiver avec un piège à oiseaux peint par Pieter Brueghel le Jeune (1564 -1637/8). La composition était estimée 1/1,5 million.

Cette œuvre faisait partie d’une réunion de peintures anciennes flamandes issues de la collection de l’industriel belge Evence Coppée III (1882-1945) et présentée dans cette vacation. L’ensemble a rapporté 7,5 millions, soit dans la fourchette de l’estimation en intégrant les frais.

Si l’on sait que des collectionneurs asiatiques sont friands de peinture européenne ancienne et du XIXe siècle, il est difficile de mesurer l’ampleur de cette affection. On dispose seulement de quelques exemples qui ont marqué les esprits, comme celui d’une œuvre de Rembrandt (1606-1669) acquise pour 8,4 millions de livres en juillet 2012 chez Christie’s.

Pour une autre époque et un autre genre, mais toujours relatif à la peinture figurative traditionnelle européenne, et dans le cadre d’une franche stupéfaction occidentale pour un art souvent qualifié de pompier, une acheteuse hongkongaise a déboursé quelque 36 millions de dollars en 2010 chez Sotheby’s pour acquérir un Moïse sauvé des eaux, reconstitution méticuleuse et idéalisée de l’épisode biblique exécutée par Lawrence Alma-Tadema en 1904. Le tableau aux dimensions importantes (136,7 cm x 237,4 cm) était assorti d’une estimation de 3/5 millions.

La clientèle russe représente l’autre origine géographique particulièrement active dans cette vacation de Sotheby’s. Ses offres concernent 20 % des lots, mais les achats de ces Russes n’ont pas été communiqués.

Un record a été atteint pour une œuvre de Giovanni da Rimini (1292-1309/14 ) vendue aux enchères, à travers l’achat pour quelque 5,7 millions d’euros  de l’aile gauche d’un diptyque, peint à la tempera sur panneau à fond or, représentant des épisodes de la vie de la Vierge et d’autres saints. L’œuvre, estimée 2/3 millions d’euros, provenait de la collection des ducs de Northumberland.

La veille, chez Christie’s, au cours d’une vente sur le même thème moins rémunératrice –  et présentant un taux d’invendus élevés (36 lots vendus sur 68 présentés) mais ne concernant pas les lots les plus chers -, un Venise, le bassin de Saint-Marc, avec la place et le palais des Doges de Francesco Guardi (1712-1793), a été facturé quelques 9,9 millions de livres. Cette œuvre, estimée 8/10 millions, était située dans la collection des barons de Rothschild.

Une célèbre Sainte Praxède de Johannes Vermeer (1632-1675), une huile sur toile provenant de la collection Barbara Piasecka Johnson, a été échangée contre 6,2 millions de livres (estimée 6/8 millions).

L’origine géographique des acheteurs des principaux lots n’a pas été communiquée par la maison de vente.

Les records et les prix parmi les plus importants réalisés dans ces vacations pour une œuvre donnée témoignent de la poursuite de la progression sensible des prix de la peinture ancienne – et aussi du dessin et des estampes anciens – depuis une bonne dizaine d’année.

Face à l’instabilité économique engendrée par la crise financière de septembre 2008, et dont les effets ont vraiment été ressentis quelques mois plus tard sur le marché de l’art, la spécialité de la peinture ancienne est apparue comme un secteur de repli face à l’incertitude planant sur celles de l’art moderne et contemporain.

En juillet 2009, à Londres, les recettes des ventes de peinture ancienne de juillet chez Sotheby’s et Christie’s battaient même d’une courte tête celles enregistrées le mois précédent pour les ventes d’art contemporain (chez Christie’s : 20,54 millions de livres contre 19,06 millions ; chez Sotheby’s : 26,13 millions contre 25,54 millions).

En décembre 2009, chez Christie’s, un dessin de Raphaël (1483-1520), une tête de muse réalisée à la craie noire, avait été échangé contre 29,16 millions de livres. Il s’agissait alors d’un record mondial pour une œuvre de l’artiste vendue aux enchères.

Trois ans plus tard, ce plus haut historique pour une œuvre de Raphaël vendue aux enchères était battu chez Sotheby’s, à travers les 29,72 millions de livres engagées sur un dessin de travail exécuté pour la réalisation d’un personnage de la Transfiguration, la dernière œuvre importante du maître de la Renaissance italienne, commandée par les Médicis autour de 1516.

Particulièrement présente dans la spécialité de la peinture ancienne, la peinture religieuse bénéficie de cette forte augmentation des prix.

En février 2014, chez Sotheby’s, 5,87 millions  de dollars étaient engagés sur une Annonciation du Greco, une huile sur panneau (73 x 76 cm) estimée 1/1,5 million. Le même mois, chez Christie’s, une Adoration des bergers de Jacopo Bassano (vers 1510-1592), peinte à l’huile sur toile, estimée 8/12 millions de dollars, étaient payée 8,9 millions.

En juillet 2012, chez Christie’s, un Christ entre Saint Paul et Saint Pierre, peint sur un panneau en longueur à fond or (32,2 x 70,4 cm) par Pietro Lorenzetti (vers 1306-1345), était facturé 5 millions de livres, pour une estimation de 1/1,5 million. Un mois plus tôt, chez le même opérateur, un Christ portant la Croix de Girolamo Romanino (1484/7-1560), peint à l’huile sur toile (81 x 72 cm), avait été payé quelques 4,6 millions de dollars, pour une estimation de 2,5/3,5 millions.

En janvier 2011, chez Sotheby’s, Conversation sacrée entre La Vierge à l’Enfant, saint Luc et Catherine d’Alexandrie, une  huile sur toile peinte vers 1560 par le Titien (1488-1576), avait été facturée quelque 16,9 millions de dollars avec les frais, soit au niveau de son estimation basse de 15 millions, et un Adam et Ève de Joachim Anthonisz Wtewael (1566-1638) avait été payé 6,2 millions, pour une estimation de 800.000/1,2 million.

Des prix aussi élevés pour la peinture ancienne que les records enregistrés pour l’art impressionniste, moderne et contemporain pourraient être vus en vente publique, si les grands chefs-d’œuvre des maîtres de cette période ne se trouvaient pas…dans les musées (ce qui est une très bonne chose, ndlr).

Pour un cas tout a fait exceptionnel, une Danse de mariage peinte par Pieter Brueghel l’Ancien vers 1566 a été estimée entre 100 et 200 millions de dollars par Christie’s, lors de l’audit réalisé pour le Detroit Institute of Art en 2013. Une œuvre de Rembrandt située au même endroit vaudrait quant à elle autour de 90 millions.

Pierrick Moritz



Catégories :Londres, Marché de l'art, Peinture ancienne

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