Sotheby’s génère la majeure partie du chiffre d’affaires des ventes d’art moderne à Londres
Une huile sur toile en triptyque réalisée en 1964 par Francis Bacon, Three Studies for Portrait of Lucian Freud, chaque partie mesurant 35,5 x 30,2 cm, a été payée l’équivalent de 27 millions d’euros (23 millions de livres) avec les frais (12%) hier soir chez Sotheby’s Londres.
La composition était estimée 7/9 millions de livres sans les frais. Il s’agit de l’un des prix les plus importants payés dans une vente publique pour une œuvre de l’artiste d’origine irlandaise.
Avec un record à 86 millions de dollars pour un Triptych 76 chez Sotheby’s New York en 2008, Francis Bacon fait partie des artistes les plus chers du monde en ventes publiques, avec Alberto Giacometti, Pablo Picasso et Kasimir Malevich.
Du fait du montant élévé des estimations pour les œuvres importantes de ces artistes, la sélection opérée par les acheteurs n’en est que plus pointue, même s’il faut tenir compte de l’environnement économique du moment, qui peut engendrer une attitude plus ou moins attentiste, et d’aspects aléatoires comme celui de pouvoir investir à un certain moment de l’année plutôt qu’à un autre.
Pour des estimations à de tels niveaux, et le plus souvent, l’œuvre doit être exceptionnelle et non interchangeable pour déclencher une bataille d’enchères. De plus, les acheteurs savent très bien que les estimations resteront fermes dans ce cas-là.
Si les œuvres suprématistes de Malevich sont rarissimes et, de fait, se vendront toujours très bien, de très importantes créations de Giacometti, Picasso et Bacon, n’ont pas trouvé preneur en ventes publiques ces dernières années.
On pense, par exemple, à un Figure Turning (1962) de Bacon chez Sotheby’s Londres en juillet 2008 (estimé 10/15 millions de livres), à Instruments de musique sur un guéridon, une composition cubiste de Picasso estimée 25/30 millions d’euros et figurant dans la dispersion de la collection Saint Laurent/Bergé chez Christie’s Paris en février 2009, ou encore à deux œuvres de Giacometti qui, cette semaine, étaient estimées 3/5 millions de livres chacune dans une autre vente d’art moderne chez Sotheby’s Londres.
Ce portrait d’Éluard par Bacon faisait partie d’une dispersion de 60 œuvres d’art moderne et contemporain, issues d’une même collection privée, sous l’intitulé Looking Closely. Toutes avaient été acquises par leur propriétaire au plus tard à la fin des années 1980, le portrait d’Éluard par Bacon ayant été acheté en 1964.
Le fait d’années passées loin d’un marché de l’art où les prix ont considérablement augmenté pour les sélections de grande qualité, comme c’est le cas ici, explique que 100% des lots aient été vendus et pour un montant de 93,5 millions de livres (111 millions d’euros), dépassant allègrement l’estimation “pré-vente” la plus optimiste
13,48 millions de livres, le plus haut prix payé pour une œuvre de Salvador Dali en vente publique, sont allés à un petit Portrait de Paul Éluard (33 x 25 cm) estimé 3,5/5 millions. Cette huile sur toile surréaliste de 1929 a été acquise par le collectionneur chez Sotheby’s en 1989.
Deux petits masques en fer de Julio González, des pièces uniques, ont battu des records absolus pour des œuvres de cet artiste.
Julio González est l’un des sculpteurs les plus inventifs de la première moitié du XXe siècle. Ami catalan de longue date de Pablo Picasso, il fut son conseiller pour les œuvres en métal des années 1930. Le Centre Pompidou lui avait consacré une importante rétrospective en 2007.
Le masque intitulé Ombre et lumière, d’une hauteur de 25 cm et réalisé vers 1930, acquis par le vendeur en 1983 auprès de la Galerie de France, a ainsi été payé 4,63 millions de livres sur une estimation de 800.000/1,2 million. Le Masque My, 15 cm de hauteur et réalisé en 1927-1929, acquis en 1982 chez le même marchand, a été payé 2,72 millions de livres sur une estimation de 800.000/1,2 million de livres.
Toujours dans la séquence des génies créatifs et pour une œuvre de la même époque, L’Acrobate d’Alexander Calder, une sculpture en fil de fer sur base en bois et d’une hauteur de 45 cm, réalisée vers 1928, acquise par le vendeur en 1965, estimée 1/1,5 million de livres, a été payée 1,38 million. Des œuvres de ce type ont notamment été montrées dans l’expositions des années parisiennes de Calder au Centre Pompidou en 2009.
Parmi les enchères les plus élevées, figure également Annette ou Portrait d’Annette au pull-over rouge, une huile sur toile (55 cm x 46 cm) d’Alberto Giacometti peinte en 1961 et acquise par le vendeur en 1989 chez Christie’s Londres. Elle a été payée 4,85 millions de livres sur une estimation de 2/3 millions sans les frais (12%).
Cette dispersion était l’avant-dernière de la traditionnelle série de vacations d’art moderne de février chez Christie’s et Sotheby’s à Londres.
Pour le moment, ces ventes ont rapporté 299 millions de livres dont quelque 184 millions engrangés par Sotheby’s (en y incluant les œuvres d’art contemporain faisant partie de la vente Looking Closely), soit un très large fossé entre les deux maisons de ventes que ne comblera pas la dernière vacation chez Christie’s aujourd’hui. Malgré la quantité, 245 lots, la très grande majorité des estimations est inférieure à 10.000 livres.
L’enjeu est capital pour les deux plus importants opérateurs mondiaux du marché de l’art en ventes publiques – désormais au coude-à-coude pour un leadership encore détenu par Christie’s – qui se livrent une concurrence acharnée pour décrocher les meilleures œuvres. Les résultats de ces ventes majeures assurent une communication très efficace auprès des vendeurs potentiels.
Pierrick Moritz
Catégories :Art contemporain, Marché de l'art
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