Au début du mois de septembre, The Andy Warhol Foundation for the Visual Art, l’institution qui gère notamment l’héritage artistique de l’artiste, annonçait le largage de centaines de ses œuvres sur le marché de l’art. La maison de vente Christie’s est chargée d’en réguler la commercialisation, sur plusieurs années et par différents moyens. Il s’agirait d’environ 2.000 œuvres, peintures, estampes, dessins et photographies, dont une grande partie inconnue du public. Si ce fonds représente une toute petite partie de la production de Warhol (qui serait estimée à 400.000 œuvres), les œuvres en question présentent l’avantage d’une provenance rassurante pour les acheteurs potentiels.
La nouvelle faisait craindre à certains investisseurs un impact négatif sur les ventes d’œuvres de Warhol, véritable pilier spéculatif du marché de l’art contemporain. Le plus grand collectionneur d’œuvres d’Andy Warhol, Jose Mugrabi, s’inquiétait de ce que la fondation «dilue la marque Warhol en inondant le marché avec trop d’œuvres en même temps». Selon la même source, le Wall Street Journal, Mugrabi et d’autres marchands auraient proposé de se porter acquéreur de l’ensemble de ces œuvres, offre déclinée par la fondation.
D’autres professionnels objectaient à cette perspective négative un impact nul sur le marché, certains mettant en avant la production abondante d’un Pablo Picasso. Un argument qui tient difficilement la route puisque, d’un point de vue artistique, on peut avancer que les créations de Picasso, y compris les estampes (ici aussi au niveau technique), sont d’un intérêt bien supérieur. Si le système de la «fabrique» s’intègre dans le concept dit artistique de Warhol, avec la part de cynisme qui l’accompagne dans ce cas particulier, on peut aussi trouver cette explication bien pratique. Très prosaïquement, sur le thème «quand l’artiste adapte son travail à son mode de vie», on peut avancer que faire la fête la nuit et avoir les idées claires pour travailler le jour ne doit pas être très commode, et que la production sérigraphique (25.000 dollars de l’époque quand il s’agissait de se faire tirer le portrait par Warhol) avec une équipe technique peut pallier cet inconvénient. Même si, dans l’histoire de l’art, le principe de l’atelier produisant des travaux de commande n’a pas attendu Warhol, l’artiste est probablement le premier à avoir donné dans le « Photomaton » de luxe pour une partie de sa production, à savoir une méthode quelque peu expéditive.
L’annonce de la fondation Warhol semble donc essentiellement poser un problème d’ordre spéculatif, qui pourrait conduire la poignée d’investisseurs qui font la pluie et le beau temps sur le marché du Warhol à une position plus attentiste, voire de retrait, probablement en dehors des créations les plus exceptionnelles mais avec une incidence baissière possible pour ces dernières.
S’il est trop tôt pour en tirer des conclusions, et qu’on ne sait rien des transactions concernant Warhol sur le marché privé, la séquence «warholienne » proposée ces dernières semaines dans les ventes publiques de Sotheby’s et Christie’s montre des œuvres qui se vendent mal.
Le 12 octobre, une vente d’art contemporain proposée par Sotheby’s à Londres présentait 5 sérigraphies de Warhol issue d’une même collection privée. En tête de liste, figuraient une Campbell’s Soup de 1986 et un Man Ray de 1974. Respectivement estimée 600.000/800.000 et 400.000/600.000 livres, les deux œuvres n’ont pas trouvé preneur. Le présent vendeur avait payé la Campbell’s Soup 263.200 livres chez Sotheby’s en 2003.
Les 3 autres œuvres de cette collection ont été vendues sous leur estimation. Il s’agit d’une petite Lisa de 1978, facturée 378.000 livres avec les frais (20 %) sur une estimation de 400.000/600.000 livres sans les frais ; pour la même estimation et dans les mêmes conditions, d’un Ladies and Gentlemen de 1975, facturé 397.250 livres (soit 20% de réduction par rapport à l’estimation basse). Estimé 500.000/700.000 livres sans les frais, un autoportrait de 1975 a été enlevé à 481.250 livres avec les frais (20%).
Le 27 septembre, à Paris, lors de la dispersion de la collection Hélène Rochas, si un portrait de la femme d’affaires était facturé 253.000 euros avec les frais sur une estimation de 200.000/300.000 euros sans ces frais (20 %), un second était échangé contre 181.000 euros avec la même estimation et les mêmes frais.
Le 19 septembre, par la même maison de vente, toujours à Londres, au cours d’une vente d’estampes, un Scream d’après Munch de 1984, n’atteignait pas son estimation basse de 200.000 livres sans les frais (20 %), avec une facture finale de 211.250 livres. Du même inspirateur, une Eva Mudocci de 1984, parvenait à se vendre au niveau d’une estimation basse de 100.000 livres sans les frais, à 121.250 livres avec les frais (20%). Toujours d’après Munch, une Madone et autoportrait avec un bras de squelette, une création de 1984 estimée 200.000/300.00 livres, ne trouvait pas preneur tandis qu’un Filles sur un pont parvenait à être facturé 211.250 livres avec les frais (20%) pour une estimation de 180.000/200.000 livres avec les frais.
Toujours dans la même vacation, un Car Crash de 1978, estimé 150.000/250.000 livres sans les frais, était facturé 157.250 livres avec les frais (20%), soit adjugé sous son estimation comme un portrait de la reine Elizabeth II de 1985, laissé à 109.250 livres avec les frais sur une estimation de 100.000/150.000 livres sans les frais. D’autres estampes de Warhol, estimée quelques de dizaines de milliers de livres, avaient été facturées dans la fourchette de l’estimation, voire au-dessus avec un plus haut de quelque 54.000 livres pour une estimation de 25.000/35.000 livres. Pour des estimations toujours de l’ordre de quelques dizaines de milliers de livres, 4 œuvres n’avaient pas trouvé preneur.
Pierrick Moritz
Catégories :Art contemporain, Marché de l'art
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