New York, enchères – Un chef-d’œuvre de Barnett Newman, le retour de Jeff Koons et des estimations affolantes

La star des deux grandes ventes d’art contemporain new-yorkaises proposées aujourd’hui et demain en soirée chez Christie’s et Sotheby’s est incontestablement Onement VI, une huile sur toile de Barnett Newman, présentée ce soir chez Sotheby’s avec une estimation de 30/40 millions de dollars.

Reconnu tardivement et disparu en 1970, Barnett Newman est considéré, au même titre qu’un Jackson Pollock, comme l’une des figures majeures de l’expressionnisme abstrait.

Onement VI est un grand format (259,1 x 304,8 cm) réalisé en 1953 et rattaché à la série Onement commencée par Barnett Newman en 1948. L’œuvre présente principalement un grand aplat bleu fendu par une verticale vert d’eau baptisé zip par l’artiste et que l’on retrouve dans nombre de ses œuvres. Elles sont excessivement rares sur le marché ; l’enchère finale de celle-ci, jamais vue dans une vente aux enchères, pourrait être phénoménale. En mai 2012, à New York, Christie’s a échangé une toile de cette même série, datée de 1952, mesurant 152,4 x 96,5 cm, et estimée 10/15 millions, contre la somme record de 22,4 millions.

En regard de cette œuvre magistrale, et même si elle est censée être la deuxième œuvre la plus importante de la vacation de Sotheby’s, le Woman with Flowered Hat peint par Roy Lichtenstein en 1962, possible réflexion d’après le modèle des visages déconstruits du Picasso des années 1930, lot phare du catalogue de la vente de Christie’s, demain, supporte mal la comparaison avec son estimation confidentielle au moins égale à 25/35 millions de dollars (estimation du deuxième lot le plus cher).

Les résultats les plus élevés pour des œuvres de Lichtenstein vendues aux enchères, soit 44,8  et 43,2 millions de dollars pour, respectivement, Sleeping Girl (1964) et I Can See the Whole Room!…and There’s Nobody in it ! (1961), concernent ces célèbres reprises de vignettes de comics.

Le troisième lot le plus important de la vente de Christie’s est un Dustheads peint sur toile par Jean-Michel Basquiat en 1982. Ce grand format (182,8 x 213,3 cm) est estimé 25/35 millions de dollars. L’opérateur espère battre le record de 26,4 millions de dollars pour une création de Basquiat vendue aux enchères. Il s’agit d’une peinture sans titre de 1981, facturée 100.000 dollars en novembre 1988, un record à l’époque pour une œuvre de l’artiste disparu quelques mois plus tôt.

Une sculpture Éponge bleue (sans titre), SE 168, d’Yves Klein, d’une hauteur 112, 7 cm, datée de 1959, est l’autre lot majeur du catalogue de Sotheby’s. Initialement achetée, l’année de sa création, par un collectionneur américain à la galerie parisienne Iris Clert,  l’œuvre a changé de mains une deuxième fois en 1986, au profit du célèbre collectionneur et historien d’art Sidney Janis, une référence absolue. Mise en vente par l’un de ses descendants, cette œuvre est assortie d’une estimation confidentielle que l’on peut considérer comme étant au moins égale à l’estimation la plus importante du catalogue rendue publique (30/40 millions de dollars).

Le Rose du bleu (RE 22), une composition de 1960, où éponges naturelles, cailloux, pigments secs et résine synthétique sont dressés sur un panneau de 199 x 153 cm,  payée l’équivalent de 36,77 millions de dollars en juin 2012 chez Christie’s, à Londres, est l’œuvre d’Yves Klein échangée contre la somme la plus importante dans une vente aux enchères. En mai 2012, à New York, le même opérateur avait vendu FC1 ( (Fire Color 1), une création réalisée par l’artiste en 1962, quelques mois avant sa mort, pour 36,48 millions.

Sotheby’s attend 20/30 millions de dollars de The Blue Unconscious, une peinture de Jackson Pollock de 1946, antérieure aux « drip paintings » (peintures par dégoulinures/écoulement) créées par l’artiste à partir de 1947. De grandes dimensions, l’œuvre réside dans la même collection depuis presque 50 ans. En novembre dernier, l’opérateur avait facturé 40,4 millions de dollars une drip painting réalisée par Jackson Pollock en 1951. Il s’agit du prix le plus important payé pour une œuvre de l’artiste vendue aux enchères. Le catalogue de Christie’s présente également une œuvre importante de Pollock,  une drip painting de 1948 (format 78,4 x 57,4 cm) titrée Number 19.  Elle est estimée 25/35 millions de dollars quand son avant-dernier propriétaire l’avait payée 2,42 millions, en 1993, chez Christie’s.

Toujours parmi les lots les plus chers, les deux opérateurs présentent chacun une œuvre importante de Francis Bacon. Sotheby’s propose une Study for portrait of P.L., une peinture de 1962 estimée 30/40 millions de dollars ; une Study for Portrait de 1981, conservée dans la même collection depuis 30 ans, est estimée 18/25 millions chez Christie’s.

Jeff Koons, peut-être boosté par les 33,6 millions de dollars engagés en décembre dernier chez Christie’s sur un des cinq exemplaires de sa sculpture monumentale Tulips (mais qui a pu acheter une telle œuvre à un prix pareil ? ndlr) est l’artiste le plus présent par le nombre d’œuvres chez Sotheby’s. On en compte 5 pour une estimation totale de 26,3/32,7 millions. La plus importante est New Hoover Celebrity IV, New Hoover Convertible, New Shelton 5 Gallon Wet/Dry, New Shelton 10 Gallon Wet/Dry DoubleDecker ou, en plus court, quatre aspirateurs sous vitrine éclairée par des néons, estimée 10/15 millions de dollars.

Jeff Koons fait partie de ces artistes, comme Damien Hirst et Richard Prince, hautement spéculatifs avant la crise financière de septembre 2008 et pour lesquels l’engouement est nettement retombé par la suite.*.

Au sein de cette séquence « Jeff Koons’, on trouve également The New Jeff Koons, une grande image en noir et blanc représentant le créateur enfant et éclairée par des néons, datée de 1980. Pour la petite histoire, cette œuvre, estimée 2,5/3,5 millions de dollars, a été exposée pour la première fois en 1983, dans l’espace réservé aux artistes du….New York Exchange. L’artiste a donné un Balloon Monkey Wall Relief (yellow), assorti d’une estimation de 800.000/1,2 million et vendu au profit du projet de construction d’un nouveau bâtiment pour le Whitney Museum. Christie’s propose également un Koons, Plate Set, une huile sur toile monumentale estimée 4/6 millions.

L’estimation globale de chacun des catalogues des deux opérateurs, quelque 300/400 millions de dollars (estimation basse/estimation haute), est particulièrement élevée. En novembre dernier, chez Christie’s, une vente de cette ampleur sur la même place avait généré 412 millions de dollars, un résultat jamais vu pour une vente aux enchères d’art contemporain. Six lots sur 73 présentés, facturés plus de 20 millions pièce, avaient produit quelque 53 % du chiffre d’affaires.

Ici, l’importance de certaines estimations est effrayante, pas forcément pour les lots de qualité muséale compte tenu du marché actuel, même si l’on peut se demander si le nombre restreint de super riches pouvant se les offrir pourra tout absorber. Chez Christie’s, pour un catalogue de 72 lots, neuf sont estimés au moins 10 millions de dollars ; chez Sotheby’s, pour 64 lots, on en trouve huit de cette valeur, dont cinq estimés au moins 20 millions.

Pierrick Moritz

* En mai 2008, en pleine folie spéculative pour certains artistes contemporains, un phénomène retombé avec les débuts de la crise financière du mois de septembre de la même année, Christie’s avait vendu une œuvre de Jeff Koons de type « aspirateurs » pour quelque 11 millions de livres. Un mois plus tard, sur la même place et toujours pour une œuvre de Koons, l’opérateur échangeait un  Balloon Flower de couleur magenta, une sculpture en métal imitant une baudruche nouée en forme de fleur, contre l’équivalent de 25,8 millions de dollars. Deux ans et demi plus tard, il vendait un autre exemplaire en version bleue, estimée 12/16 millions, pour 16,88 millions.

En mai 2011, chez Sotheby’s, à New York,  Pink Panther, une sculpture en porcelaine de Koons, représentant une femme blonde torse nu, tenant dans ses bras une panthère rose en peluche sur le modèle de celle du film de Blake Edwards, assortie de l’estimation délirante de 20/30 millions de dollars sans les frais (12%), avait été laissée à 16,88 millions avec ces frais. Cet exemplaire d’un multiple de 3 + 1 épreuve d’artiste faisait partie de l’encombrante exposition Jeff Koons proposée au château de Versailles en 2008. En 2010, un mille-pattes gonflable encastré dans un escabeau, une création de Koons estimée 5,5/7,5 millions de dollars, n’avait pas trouvé preneur dans une autre vente aux enchères.

PM



Catégories :Art contemporain, Marché de l'art, New York City

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