Changement d’époque
Malgré les mauvais résultats de leurs dernières ventes d’art contemporain, Sotheby’s et Christie’s maintiennent des estimations élevées et s’accrochent à certains artistes « témoins de leur temps » qui semblent désormais dépassés.
Les prétentions financières délirantes de Sotheby’s et Christie’s pour les œuvres de leurs ventes d’art contemporain programmées aujourd’hui et demain, à New York, sont décrédibilisées par les mauvais résultats des semaines précédentes dans la spécialité. Ceux-ci ont notamment montré la fragilité des estimations, certains vendeurs étant prêts à revoir leurs exigences à la baisse, et parfois dans une mesure considérable.
À la suite de si notoires aubaines, on peut craindre que les acheteurs ne s’enferment dans une attitude consistant à n’enlever que des œuvres bradées.
Le phénomène pourrait aussi engendrer un marché de l’art inondé de lots de second plan, les propriétaires d’œuvres majeures préférant attendre des jours meilleurs si l’état de leurs finances le permet.
Koons et Hirst déphasés
Changement d’époque oblige, l’univers superficiel de Jeff Koons et celui prétentieux de Damien Hirst, enfants gâtés de la “génération dorée”, risquent de paraître bientôt dépassés.
Chez Sotheby’s, on trouve deux œuvres de Koons : Cheeky, une huile sur toile de 2000, estimée la bagatelle de 4/6 millions de dollars, et Wishing Well, une œuvre de 1988 se présentant sous la forme d’un miroir avec un encadrement baroque en bois doré, épreuve d’artiste d’une édition de trois, plus cette épreuve ; un lot estimé 2,5/3,5 millions.
Christie’s propose également une œuvre de Jeff Koons, un Buster Keaton en bois polychrome, un oiseau sur l’épaule et monté sur un cheval si petit que le modèle se tient debout, les pieds au sol. Il s’agit de l’épreuve d’artiste d’une édition de trois, plus cette épreuve. L’œuvre, payée 2,7 millions de dollars lors de son dernier passage en vente publique, il y a deux ans, chez Phillips, est désormais estimée 5/7 millions.
Sotheby’s met en vente deux œuvres de Damien Hirst, datées de 2007. La première est un Midas of Phrygia, énième toile aux papillons, datée de 2007, estimée 1,2/1,5 million de dollars. Le vendeur a acquis cette œuvre l’année de sa création, auprès de la Gagosian Gallery de Londres. La seconde toile est couverte de points multicolores, autre motif récurrent chez Hirst. Intitulée Ethionamide, elle est estimée 1/1,5 million. L’œuvre a changé deux fois de main depuis son acquisition auprès de la Gagosian gallery de New York, en 2007.
Christie’s présente quant à elle une toile de Hirst à points, estimée 1/1,5 million de dollars. Si l’on aime l’univers de Hirst, on pourra préférer, pour une estimation de 1,5/2 millions, une armoire à pharmacie de Joseph Cornell, une petite installation proposée dans la même vente et datant de…1943.
Hirst a liquidé son passé en septembre, le “coup des galeries”
Derrière le coup marketing des ventes Hirst, en septembre dernier, se profile probablement la volonté d’un artiste qui sent le vent tourner et entend se débarrasser de sa production pour essayer de prendre un autre train en marche tant qu’il ne roule pas trop vite.
Cet évènement médiatique, vendu avec la particularité d’être le premier du genre où un artiste se passe de galerie pour vendre, avait ouvert un débat qui annonçait la mise en péril du rôle des galeristes, comme si Sotheby’s était une œuvre de bienfaisance.
Par rapport au prix final rendu public dans une vacation en salle des ventes, il faut enlever les commissions sur le vendeur et sur l’acheteur prélevées par la maison de ventes, les frais d’assurance, de catalogue et de transport, pour arriver à la somme que touche réellement le vendeur (donc l’artiste s’il vend directement). Cet ensemble de commissions et frais, hors taxes et frais de douanes éventuels en supplément, est entièrement à la charge du vendeur. Au bout du compte, l’ensemble des frais est à peu près équivalent aux commissions perçues par les galeristes.
De grands artistes, comme le sculpteur américain David Smith, ont affirmé que les meilleurs compagnons des créateurs étaient leur famille, leurs amis et leur marchand. Dans les grandes ventes aux enchères d’art, certaines galeries prestigieuses sont des acheteurs intermédiaires de grands collectionneurs.
Virage : Basquiat, Klein, des valeurs sûres
Le virage du changement dans les grandes ventes d’art contemporain est clairement amorcé depuis le début de l’année. On voit émerger une préférence pour des artistes contemporains dont l’œuvre ne vieillit pas, toujours en prise avec l’époque, comme Jean-Michel Basquiat. Christie’s propose un très beau et très cher Basquiat dans sa vacation du 12 novembre. L’estimation de ce grand format sur toile de lin, peint en 1989, communiquée sur demande, dépasse les 15 millions de dollars.
Yves Klein, célébré depuis longtemps, fait également partie du panthéon des nouveaux arrivés au sommet du marché de l’art depuis cette année. En mai dernier, Sotheby’s a enregistré le prix le plus important jamais payé pour une œuvre de l’artiste, avec 23,56 millions de dollars engagés sur MG 9, composition à base de feuilles d’or sur panneau. L’estimation était de 8/10 millions). Dans la même vente, un monochrome bleu de Klein a également décuplé son estimation de 5/7 millions, avec une facture de 17,4 millions. Dans sa vente de ce soir, l’opérateur propose une superbe Archisponge RE11, cailloux et éponges naturelles recouverts de pigment secs bleu, de grandes dimensions, créée par Klein en 1960. L’estimation, communiquée sur demande, dépasse les 15 millions de dollars.
L’art contemporain italien, Fontana superstar
Les seules bonnes nouvelles du morne automne du marché de l’art contemporain viennent des créations italiennes ; en octobre, pour des vacations dans la spécialité, Sotheby’s a vendu 46 de ses 52 lots, et Christie’s la totalité, dont une Concetto spaziale de Fontana échangé contre 9 millions de livres. Ce dernier opérateur met en vente, le 12 novembre, une Concetto spaziale, Festa sul Canal Grande de l’artiste, une œuvre de 1961. L’estimation, communiquée sur demande, dépasse les 15 millions de dollars. En juin, toujours chez Christie’s, un Concetto spaziale de 1964, une huile sur toile dont l’estimation était communiquée sur demande, n’avait pas trouvé preneur.
Ce qui nous soigne nous tue : Richard Prince
Les infirmières psychopathes de Richard Prince ont eu le vent en poupe cette année. Une de ces inquiétantes créatures a été payée 3,17 millions de livres, pour une estimation de 2,8 millions, le 20 octobre chez Christie’s à Londres. Une autre, peinte en 2002, a été facturée au ras de son estimation basse, l’équivalent de 5,35 millions d’euros, le 1er juillet chez Sotheby’s, toujours à Londres. Une troisième, réalisée, à l’huile sur toile, en 2002, avait produit 7,53 millions de dollars en mai, chez Christie’s, à New York. Dans sa vente du 12 novembre, l’opérateur proposera une nouvelle toile de cette série. Cette Lake Resort Nurse , datée de 2003, est estimée 5/7 millions de dollars.
Le génie Bacon
Les œuvres de Francis Bacon ne sont probablement pas près de faire l’objet de réduction. Dans sa vente du 12 novembre, Christie’s propose une bouleversante étude pour un autoportrait, un grand format à l’huile sur toile, réalisée par l’artiste en 1964. L’estimation, supérieure à 15 millions de dollars, est communiquée sur demande. Par les temps qui courent, elle risque au pire de ne pas être vendue ; cela a été vu deux fois depuis juin pour des œuvres de Bacon
Chers et beaux divers
Parmi les 63 lots figurant au catalogue de Sotheby’s, on trouve une très belle huile sur toile de Philip Guston, Beggars Joy’s, un grand format daté de 1954-1955, assortie d’une estimation, communiquée sur demande, supérieure à 15 millions de dollars, un Naked Portrait Standing de Lucian Freud, une huile sur toile peinte en 1999-2000, estimée 9/12 millions et une sculpture en marbre et bois de Louise Bourgeois, un Clamart dont 3,5/4,5 millions sont attendus.
Christie’s propose 75 lots, parmi lesquels un Abstraktes Bild (710), un grand format de Gerhard Richter, peint en 1989, dont l’estimation communiquée sur demande est supérieure à 15 millions de dollars, une lumineuse composition sur papier contrecollé sur panneau de Mark Rothko, estimée 4/6 millions, et une sculpture de David Smith, Circles and Angles, datée de 1959, estimée 6/8 millions. Louise Bourgeois est représentée à travers deux sculptures : Spider V, estimée 1,5/2 millions et une sans titre (With Foot N°2), en marbre rose, estimée 1,5/2 millions.
Pierrick Moritz
Catégories :Art contemporain, Marché de l'art, New York City
It’s nice to see people writing such informative articles. So many people think this is the worst time ever and it’s not. This day offers more opportunity than any other in most of our lifetimes. More millionaires were made during the great depression than any time in history. You just have to go our there and make it happen. Keep up the good work!
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Merci.
Je vous conseille deux « quartiers » :
– la partie nommée « Dumbo », à New TriBeCa (c’est à Brooklyn, dont il faut passer le pont depuis Manhattan ; le traverser à pied pour la superbe vue sur Manhattan).
Vous y trouverez des galeries très intéressantes comme le JLA (Jan Larsen Art Studios). TheXpo at Gallery. 63, Pearl Street. Dumbo, New Tribeca. Brooklyn. NY 11201.
L’endroit est également « peuplé » d’ateliers d’artistes. L’ambiance est vraiment intéressante.
– l’autre « quartier » est Chelsea, dans Manhattan, où vous trouverez également un grand nombre de galeries intéressantes comme la Jonathan Levine Gallery, 529 West 20th Street, 9E New York, NY 10011.
Je pense que ces deux quartiers vous fournissent de bonnes bases pour découvrir les lieux d’expositions d’art contemporain et de nouveaux artistes dans cette ville extraordinaire.
Bon New York !
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bonsoir,
félicitations pour vos commentaires sur l’art et le marché.
je suis à new york fin novembre début décembre quelles sont les galeries à voir quels sont les artistes à découvrir d’avance merci.
JEAN LOUIS
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